La presque douce Anay en avait terminé pour le mois avec la forêt d'Istralis et était retournée à Arswalt pour vendre ses surplus de peaux, ainsi qu'était passée livrer son sachet de viande à Eleanor, la forgeronne acrobate. Elle se doutait bien que, quelques jours seulement après sa rencontre avec son désormais maître mercenaire Hecktor, qu'il ne serait pas encore rentré chez lui, à la capitale. Toutefois, par curiosité, elle se rendit à l'adresse qu'il lui avait laissée. Son habitation se trouvait dans la ville basse et n'était pas bien grande. Tout était fermé, et au travers les volets, elle put voir qu'à l'intérieur, aucune lumière n'était allumée. Ainsi, il vivait seul et n'avait laissé aucune famille en arrière.

La mercenaire passa quelques jours à la capitale, pour se poser et profiter, comme elle l'avait décidé, de bains chauds dans sa chambre, à l'auberge où elle avait une chambre régulière louée à l'année. Et à se bichonner de la sorte, elle s'était bien vite refait une santé. Elle avait pris le temps de nettoyer son épée, et selon un conseil d'un forgeron, elle en avait aiguisé le fil de la lame. Elle avait également nettoyé son bouclier, et avait payé un armurier pour déposer sur le bois de hêtre une fine couche de vernis protecteur. L'homme l'avait regardé étrangement à sa demande, mais Anay lui avait rétorqué qu'on pouvait être une mercenaire et prendre soin de ses affaires, ce n'était pas incompatible. C'est un matin qu'elle prenait son repas dans le rayon chaud du soleil qui passait par sa fenêtre grande ouverte qu'elle relut avec attention la liste autrefois dressée par le premier artisan qui l'avait aidée. Il fallait bien avouer qu'elle s'en était totalement désintéressée depuis qu'elle était tombée par hasard - ou presque - sur son épée à la lame de cuivre, et que Eleanor lui avait gentiment fabriqué son bouclier. Pourtant, il demeurait sur cette liste une tripotée d'équipements qu'elle pouvait demander à faire constituer sur mesure pour peu qu'elle se donnait les moyens d'acquérir les composants. D'une dent d'impérial supplémentaire, elle pouvait prétendre à confectionner une nouvelle coiffe, pour changer de cet hideux casque en fer qui jurait avec son visage. De poil de chien, de corne de cornu et de flamme de cerbère, elle pouvait parachever sa tenue en obtenant bottes et cape. Peut-être était-il temps de repartir à l'aventure, après tout.

Mais l'idée de voyager seule ne lui inspirait aucun plaisir, et il y avait bien longtemps qu'elle n'avait plus vu le joli minois de sa cheffe de guilde et amie Jade. S'armant de son épée et de son bouclier, sans oublier de prendre ses affaires, elle prit la direction du bâtiment de la guilde, mais trouva personne à l'intérieur. Ou tout du moins, aucune blonde acolyte. Déçue, Anay rebroussa chemin.
En passant devant le panneau des annonces, elle vit un nouveau papier affiché. On annonçait la présence de cerbères dans la campagne des faubourgs, et elle se remémora aussitôt sa liste, qui lui indiquait qu'elle nécessitait deux composants tirés de ces créatures abominables. L'ennui, c'est qu'elle n'en avait jamais vu, jamais croisé, et qu'elle ignorait tout de la dangerosité de ces bêtes.

- On part à la chasse aux cerbères ?

Anay sursauta à cette voix à son oreille. Se retournant vivement, elle découvrit les yeux noirs et prunelles rouges de Hecktor, qui s'était débarrassé de son armure et portait une simple cotte de mailles sous une tunique de cuir.

« Sire Hecktor ! » s'exclama-t-elle de surprise, « Je ne vous savais pas à la capitale ! Avez-vous eu des pistes concernant votre maître ? »

L'homme hocha négativement de la tête, tristement.

- Cela m'ennuie de devoir abandonner, mais ce filou reste introuvable. Il a toujours été très mystérieux, mais m'a toujours tenu au courant de ses longs déplacements. J'imagine qu'il ne veut pas être trouvé. Alors ? Quelle est ta réponse ?

La blonde s'interrogea, et dut réfléchir pour comprendre de quoi Hecktor faisait allusion.

« Parce que vous êtes sérieux ? » s'étonna-t-elle, une fois le déclic fait. « Vous voudriez que nous partions chasser les cerbères de campagne ? »

- Et pourquoi pas ? C'est bien toi qui voulait avoir des leçons, non ? Croiser le fer avec moi et améliorer tes compétences de mercenaire ?

« Oui, mais cela est totalement différent ! Je voulais dire ... »

- Je sais ce que tu voulais dire, jeune fille. Seulement, j'ai envie de te voir en situation réelle de combat. Je n'interviendrai pas, et te laisserai te débrouiller. Et puis, cela sera amusant !

Il lui jeta un regard heureux, et rit aux éclats fortement. Anay pouvait s'estimer contente de le voir si investi dans son rôle de maître d'arme, mais soudainement, il lui montait une angoisse qui lui tiraillait les entrailles. Affronter les sbires du Fléau devant toute l'assemblée des maîtres ne l'avait pas dérangé, curieusement, mais ici, elle redoutait qu'il la juge, en grand expert épéiste qu'il était. Mais après tout, si elle lui avait demandé ses enseignements, c'était justement pour qu'il l'aide à s'améliorer, et qu'elle cible mieux les points qui lui faisaient défaut. Et Hecktor avait raison, quoi de mieux que de pouvoir l'observer en pleine action. Anay soupira, et acquiesça d'un sourire entendu.

Il ne leur fallut pas beaucoup de temps pour atteindre la sortie de la cité, et encore moins de temps pour arriver dans ce que la population dénommait la campagne arswaltienne. De vastes paysages qui s'étendaient jusqu'au Mur, tantôt vallonnés tantôt plats, ils ne manquaient guère de charme. Anay ne connaissait que le chemin qui menait à sa propre maisonnée, et n'avait jamais vraiment pris la peine d'explorer toute cette zone. Pourquoi l'aurait-elle fait, d'ailleurs, il n'y avait que des domaines, des champs cultivés et des troupeaux de moutons.

Mais elle pouvait compter sur le savoir d'Hecktor qui était intarissable sur le sujet. Dans sa jeunesse, lui expliqua-t-il, il y avait passé de nombreuses heures à s'entraîner avec les membres de sa guilde « la confrérie conquérante » et avait même réussi à dompter un Cornu, un petit bouc particulièrement mignon, et prisé par tous les mages. Il l'avait offert en cadeau à une amie chère, et au regard sombre qu'il eut à ce moment-là, Anay en déduisit que la malheureuse n'était plus.
C'est à environ une heure de marche qu'Hecktor l'entraîna à l'ombre d'un arbre et lui désigna du doigt un troupeau de moutons.

« Des moutons, oui, et après ? » s'impatienta-t-elle avec mauvaise humeur.

- Regarde de plus près. A l'arrière, dans ce champ de blé ...

Anay plissa des yeux et chercha ce que l'homme pouvait bien désigner. Elle mit un moment avant de percevoir une silhouette plus foncée.

« C'est un ... ? »

- Un cerbère oui. D'ordinaire, il ne s'attaque qu'au bétail, mais il n'est pas rare qu'il s'en prenne à l'Homme quand il se sent menacé. On n'en compte pas forcément beaucoup dans la campagne, sans doute parce qu'il se sent trop exposé, mais en ce moment, comme l'a annoncé la couronne, il semble bien qu'il y ait une recrudescence de cerbères.

« Très bien. A quoi dois-je m'attendre si je viens à en affronter un ? »

- Si ? Oh, ma toute belle, crois-moi que c'est évident que tu vas en affronter un. J'insiste pour te voir à l'oeuvre, rit-il joyeusement, mais ta question est pertinente. Il est moins costaud que toutes les créatures que tu as pu affronter jusqu'ici. Moins rapide qu'un impérial, mais toujours plus qu'un draven. De sa gueule s'écoule des flammes que l'on dit éternelles.

Aaah. C'était avec ceci qu'on pouvait se confectionner diverses pièces d'équipement, c'était parfait : si elle  réussissait à battre le cerbère, cela lui ferait un composant en moins à trouver.

- Rapprochons-nous ..., lança-t-il avant de courir, dos voûté, dans la direction du champ de blé.

Anay n'eut pas vraiment le choix, et le suivit donc. Elle se sentait particulièrement ridicule à crapahuter de cette façon, d'autant plus qu'elle ne comprenait pas vraiment la raison pour laquelle ils se devaient d'être discrets. Hecktor l'amena contre une barrière de bois qui bordait le champ, et la fit s'accroupir. De là, ils pouvaient mieux voir ce qui se passait, et ainsi observer le comportement du cerbère. Il semblait avoir l'attention concentrée sur le petit troupeau de moutons, et quand quelques uns s'éloignèrent, les deux guerriers remarquèrent qu'il s'agissait d'un cornu qui était la cible de la bête incandescente.

- C'est parfait, lui murmura-t-il, tu vas pouvoir faire tes preuves sur les deux.

« Les deux ?! » s'étonna-t-elle.

- Les deux. Le cornu est adorable, mais ses cornes sont très résistantes et s'il vient à te charger, il te faudra le contrer efficacement si tu ne veux pas être mise en déroute. C'est pourquoi t'y opposer est intéressant. Attends patiemment que le cerbère s'en prenne à lui, et tu pourras t'élancer au combat. Oh ! Un détail. Une fois qu'un cerbère meurt, il explose pour ne laisser que sa flamme éternelle derrière lui. Attention aux dommages. Vas-y, je t'observe.

Spoiler:

Le membre 'Anay Ganiwen' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

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'Combat (facile)' :

Anay s'avança à pas de loup, autant que son bouclier et son épée le lui permettaient, et resta tapie dans un coin. Elle comptait obéir sagement à Hecktor, et s'en prendre aux deux mais il était hors de question qu'elle fonce tête baissée. Si elle attaquait rapidement le mouton, il n'y avait que peu de chances que le cerbère s'enfuisse, au contraire, il prendrait peut-être cela pour une menace. Ou au mieux, il restera planté là, dans la confusion de s'être fait prendre son déjeuner. Elle visait d'abord le cornu car si ses cornes étaient aussi résistantes que le guerrier le prétendait, alors valait-il mieux s'en débarrasser le plus rapidement possible.

A vue de nez, elle pouvait aisément en venir à bout d'une seule charge, et si elle était suffisamment rapide, elle pouvait même le tuer sur le coup, sans qu'il ait le temps de charger en premier. Ensuite, probablement que le cerbère s'en prendrait à elle sans attendre, et il faudrait tout de suite qu'elle se protège de son bouclier pour parer son coup.
La blonde tourna dans sa tête différents scénarios possibles, mais celui-ci était celui qu'elle adopta.
Accroupie, elle prit appui sur ses jambes et se précipita vers le cornu. Ce dernier grignotait quelques brins d'herbe, mais dut-il la voir débouler dans son champ de vision périphérique car il la calcula immédiatement, et prit cela pour une menace. Frottant le sol trois fois de l'une de ses pattes antérieures, le cornu s'élança également à l'assaut, la tête tournée vers le sol de sorte que ses cornes pointent vers l'avant.

Anay eut juste le temps de placer son bouclier devant elle pour se protéger. L'impact fut violent, c'était la première fois réellement qu'elle pouvait utiliser la rondelle forgée par Eleanor. Le hêtre craqua légèrement à la collision, mais tint bon. Une douleur lui lança dans le poignet, celui qui tenait le bouclier, et l'arrêt brutal de sa course la décontenança au point qu'elle se cogna le front avec la bordure métallique. Le cornu, quant à lui, ne semblait pas plus perturbé que cela, au contraire, il rebondit avec souplesse en arrière.

« C'est tout ce que tu as dans tes p'tites pattes, mon bouchon ? Laisse-moi rire, je vais te montrer ce qu'est une vraie charge ! »

Quand elle était concentrée de cette manière, peu lui importait le reste, ni même si on l'écoutait, elle avait ce réflexe de parler seule, et de provoquer l'ennemi pour se donner du courage. Non pas qu'elle en manquait, mais cela la galvanisait souvent.
Pour la toute première fois, la mercenaire remonta son égide à hauteur d'épaule, exactement comme elle l'aurait fait avec son épée en temps normal. Elle déploya ensuite toutes ses forces qu'elle canalisa dans sa défense et propulsa l'animal sur plusieurs mètres. L'impact fut violent, le cornu bêla de manière sinistre mais jamais ne se releva.

Spoiler: