Après avoir quitté la scène de bataille de boule de neige, Alarick pris la direction du sud-ouest. En vérité, il n'était pas très pressé de rentrer à la capitale, de retrouver Amorine qui allait sans doute lui passer un savon... Il se dit donc qu'il allait faire un détour et explorer un peu la côte ouest de l'île de Naggaroth.

Ça lui faisait du bien d'être seul – tout du moins physiquement – et de ne penser à rien d'autre qu'à lui-même. Il avait bien besoin de faire un point après les péripéties qu'il venait de vivre... Son fiasco au tournoi du Roi face à la blondasse mercenaire lui était toujours en travers de la gorge... Il savait que c'était le jeu, qu'il s'était bien battu, mais il n'arrivait pas à refouler son puissant sentiment d'injustice. Lui qui combattait toujours à distance, se cachant derrière son arc, avait été attaqué de plein fouet sans pouvoir parer une seule attaque. Et après ça, son épopée dans le donjon du Gardien des Grandes portes n'avait fait qu'enfoncer une vérité qu'il connaissait déjà : il n'était pas fait pour faire équipe... Certes, il avait donné un sacré coup de main à Mélaskholès, Uthred et Mashoga, mais il n'en restait pas moins convaincu que suivre des ordres ou se concerter en équipe lui faisait sacrément chier... Non, il était un loup solitaire et le resterait.

Il marchait depuis déjà plusieurs heures quand enfin il aperçut la mer. Immense étendue d'eau salée où il ne s'était encore jamais baigné. Il s'arrêta au bord de la falaise – d'une dizaine de mètres de haut – et contempla l'horizon. L'astre solaire allait bientôt finir sa course et comme il était plein ouest, Alarick avait une vue imprenable sur ce somptueux couché de soleil.

Il resta là, immobile, ses longs cheveux ballottés par les vents marins, silencieux et étrangement calme.

C'est beau n'est-ce pas... ? Et ce calme...
Mouais, le vent nous siffle quand même sacrément aux oreilles... !
Oui, mais c'est un bruit de la nature et c'est reposant. Et cette odeur, c'est vivifiant !
Tu parles ! Ça pue la moule et le poiscaille pas frais !
Ça ne me dérange pas...
Et bien moi si !

Laissant ses voix intérieures mener leur petite bataille habituelle, Alarick essaya de penser à autre chose. Regarder ainsi l'horizon vide le fit soudainement se demander ce qu'il pouvait bien y avoir là-bas, au loin... Des terres inconnues... ? Des contrées lointaines qui en serait pas impactées par le Fléau ? Ou au contraire, un pays ravagé par les engeances où aucun humain n'aurait jamais mis les pieds pour lutter contre cette abomination...

L'archer n'avait jamais entendu parlé de bateaux qui se seraient aventurés au delà des zones de pèche autour de l'île. Il se demanda si des marins avaient déjà eut l'idée d'équiper un bateau suffisamment grand et solide pour traverser la grande mer.  Y avait-il seulement une autre terre par delà les mers... ? De ce côté là, ou bien de l'autre ? Au nord ? Au sud... ? La terre s'arrêtait-elle net comme on le disait ? La mer tombant dans l'abîme du Néant... Les anciens disait qu'elle arrivait toujours à en sortir, sous forme de vapeur d'eau, que c'était ce qui créait les nuages et faisait pleuvoir, rendant l'eau à la terre dont elle avait besoin...

Jette toi à la baille, tu verra bien ! tonna soudainement l'Ectoplasme
Mais tu es fou, il se tuerait !
Olala, mais pas d'ici crétin ! J'vois un sentier qui descend, doit y avoir une plage en bas...
Ce n'est pas du tout une bonne idée...
Bien sûr que si ! Alarick a prouvé qu'il était fort ! Je suis certain qu'il pourrait nager jusqu'à trouver une nouvelle terre !
Par bateau j'veux bien mais tout de même...

Tournant alors légèrement la tête, Alarick eut en plein champ de vision le sentier dont parlait l'Ectoplasme et auquel il n'avait pas vraiment fait attention jusque là – trop sur la gauche, même si ses yeux pouvaient en voir un petit morceau.

C'est sans vraiment réfléchir qu'il s'y dirigea et l'emprunta. Il marchait lentement, faisant attention où il mettait les pieds : c'était étroit et un seul faux pas pouvait le précipiter dans les flots. Nul doute qu'il se fracasserait la tête contre un rocher s'il faisait une telle chute – et il n'avait pas spécialement envie de mourir comme ça... Tomber au combat avait plus de panache et au moins on pourrait se souvenir de lui comme d'un combattant valeureux ! Ouais, donner sa vie en luttant contre le Fléau était bien plus valorisant. Il intégrait peu à peu que le suicide n'était pas une bonne solution à ses affres. Après tout, l'Arbre de la Vie lui avait donné un but, une chose à faire de sa triste vie alors autant en profiter... Et puis, cette vie – aussi merdique soit-elle – avait certains bons côtés.

Même s'il restait un loup solitaire il avait rencontré de chouettes personnes. Il prenait toujours autant de plaisir à se torcher la gueule ou à manger de la bonne bouffe. Il aimait bien mettre son argent sur la table aux jeux aussi... En fait, sa vie était remplie de petits plaisirs simples qui valait le coup de la continuer aussi longtemps que possible.

Il était arrivé sur la plage sans même s'en rendre compte. Ses bottes s'enfonçaient dans le sable aussi les retira-t-il bien vite. La morsure du sable glacial sur sa voûte plantaire le saisit d'un coup et il ferma les yeux.

Lorsqu'il les rouvrit, il ne savait plus où il était.

Des flammes bleues crépitaient, elles n'étaient pas brûlantes mais glacées. Elles tanguaient fortement sous des rafales de vent toutes aussi froides, prenant leur source à même le sol constitué d'une matière qu'Alarick n'arrivait pas à définir. Ça n'était pas du bois, ni de l'herbe, pas de terre, pas de sable... Pourtant il se rappelait très bien être descendu sur une plage.

Il tourna sur lui-même tout en s'emmitouflant dans son épaisse cape pour chercher un peu de chaleur. Les immenses flammes bleues semblaient se rapprocher de lui. Il se mit à marcher à reculons, vers la mer.

C'est l'enfer du Fléau... Il est glacial, il te transperce les os... susurra la voix caverneuse Tu dois fuir ! Prend la mer ! Par delà les vagues tu trouvera une terre sainte ! Un nouveau contient vierge de toute terreur ! Une terre où le Fléau n'a pas d'emprise ! Aller, qu'est-ce que attends ?! SAUTE !

Et sans réfléchir plus avant il couru vers la mer alors que les flammes bleues étaient à quelques mètres de lui.

Il sentit l'eau glacée par l'hiver lui fouetter les jambes, éclabousser son torse, son visage. Il reprit peu à peu les sensations de la réalité mais lorsqu'il tournait le regard vers le rivage il voyait toujours les flammes bleues danser au bord de l'eau.

Bientôt, il n'eut plus pieds et se mit à nager, fixant l'horizon et croyant voir une terre au loin. Il était ballotté par les vagues et sentait de plus en plus la morsure du froid, le poids de ses vêtements et de sa cape qui le tirait vers le fond. Mais son corps était encore emprunt d'adrénaline et il continuait de nager aussi vite, aussi fort qu'il le pouvait.

De longues minutes passèrent ainsi, jusqu'à ce qu'il ne voit plus la plage et ses flammes d'enfer glacé. Jusqu'à ce qu'il n'y ai plus que le ciel de plus en plus sombre où commençaient à poindre des étoiles, et la mer d'huile bleue sombre. Et le silence.

Il s'arrêta soudainement et ressenti la douleur de l'effort. Il but la tasse, surprit par le poids de ses vêtements gorgés d'eau qui l’entraînait sous la surface. Il se mit à se débattre et en tournant la tête vers cette terre qu'il était sûr et certain d'avoir vue, il senti son cœur battre d'espoir.

Il but de nouveau la tasse et sombra dans les flots.

Il ne savait pas combien de temps il était resté ainsi dans l'eau ni ce qu'il s'était passé lorsqu'il avait reprit pied avec la réalité mais lorsqu'il revînt totalement à lui il était couché sur une paillasse, un feu – un vrai cette fois – crépitant dans un âtre de pierre.

Il se redressa – il avait été emmitouflé dans des fourrures – et regarda autour de lui. Il était dans une petite maison d'une seule pièce. Il remarqua trois autres paillasses dont une plus large et se dit qu'il avait du être secouru par des pécheurs rentrant chez eux à la nuit tombée. Mais il n'y avait personne dans la maison... Personne, à part deux enfants qui se serraient l'un contre l'autre dans un coin de la pièce, tremblants de peur.

Des bruits lui parvinrent alors de l'extérieur et un éclair de lucidité lui fit comprendre que les parents des deux enfants étaient en train de lutter à l'extérieur contre quelque chose qui les avait sans doute attaqué. Il se leva d'un bond.

- Mon arc ! Mes flèches ! Où sont mes affaires ?! rugit-il en regardant les enfants qui sursautèrent

L'un d'eux pointa du doigt et Alarick se retourna. Ses affaires avaient été rassemblées dans un coin de la pièce. Il retrouva tout – même sa cape qui avait sans doute était mise à sécher car elle n'était pas humide et ses bottes pourtant laissées sur la plage – sauf ses flèches : son carquois s'était vidé dans la mer.

- Des flèches ! Des carreaux ! Il me faut des flèches ! beugla-t-il alors qu'il était en train de se rhabiller et s'équiper

De nouveau, les gamins sursautèrent mais l'un d'eux eut assez de force pour parler et lui dire qu'il y en avait dans la réserve située contre la maison. Il lui fallait passer par l'extérieur.

Les remerciant rapidement, il n'attendit pas une seconde de plus pour se précipiter sur la porte et l'ouvrir.

Pas moins de trois squams était en train de s'en prendre aux deux parents et à l'aîné des enfants qui se battaient avec ce qu'ils avait pu trouver : une bêche, une hache et un râteau. Alarick sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine alors qu'il n'avait pas pensé qu'il puisse s'agir de créatures du Fléau. Des vauriens ou des brigands mais pas des créatures. Il eut un bref mouvement de recul avant de reprendre ses esprits et se mettre en branle – manquant de se rétamer au sol – en direction de la remise sur la droite de la masure.

Fort heureusement, la porte était ouverte et il n'eut pas à beaucoup chercher pour trouver des flèches : il y en avait un tonneau plein. Il n'avait peut-être pas été secouru par des pécheurs tout compte fait...

Il ressorti aussi vite qu'il était entré et – sans même avancer plus loin que l'encadrement de la porte – il visa le premier squam à sa portée : celui qui avait mit la femme à terre et était à deux doigt de lui croquer le cou.

Son carreau alla se planter dans l'encolure de la créature qui s'effondra alors de tout son long sur la pauvre femme qui hurlait de peur – et sans doute de douleur vu l'état de ses bras, pour le peu qu'en voyait Alarick. L'homme et l'adolescent était toujours en proie à leur créature qu'ils tenait à distance l'un en ayant mit le bâton de son râteau dans sa gueule et l'autre en fouettant l'air de toute ses forces et dans tous les sens de sa hache. Voyant que la femme était en train de se dégager du squam, Alarick saisit une nouvelle flèche et visa la créature qui s'en prenait au gamin. Malheureusement pour lui, au moment où sa flèche parti, le squam s'était baissé et tourné vers lui : gueule ouverte, l'écume aux babines et l’œil mauvais.

L'archer venait d'être pris pour cible et s'immobilisa soudainement de peur.

Combat: