J'étais revenu à la capitale avec Rowan. J'avais bien cru que ce gosse allait avoir raison de ma patience, et qu'on allait me condamner pour meurtre sur mineur ... Mais non, j'avais tenu bon, et le gamin, quoi que TRES énervant, avait fini par se calmer avec toutes ses questions ennuyantes.

La charrette remplie de fers, je déposais le tout - livraison comme le gosse - auprès de Rufus qui nous accueillit gaiement, avec un sourire d'une largeur que je ne lui avais jamais vu prendre. Sans mot dire, et sans répondre aux multiples questions de mon ami - je n'en pouvais plus des questions -, je montais rapidement dans le grenier où j'avais mes affaires et emporta avec moi un grand sac de toile où j'avais des restes d'un peu toutes les cochonneries que j'avais glané dans mes pseudo-aventures d'Élus.
Cherchant ensuite un lieu où je pourrais ENFIN profiter d'un peu de calme, si cela était possible, je me rendis immédiatement à la guilde, là où je savais que personne ne pourrait me suivre.

Et par tous les cerbères des campagnes arswaltiennes, que cela me fit un bien fou !! Je jetais le sac dans un coin où je savais que je n'allais gêner personne, et m'y installais à même le sol, en tailleur, soupirant bruyamment d'aise.
Puisque maintenant, miner n'allait plus être l'activité principale qui allait me permettre de m'apaiser et de me retrouver seul avec moi-même, je supposais qu'il allait me falloir m'orienter davantage vers la sculpture d'armes. Là au moins, je pouvais travailler tranquillement. Enfin, pour peu qu'aucun membre ne m'aborde, ou ne m'embarque dans une mission suicide ... Cela n'était pas encore arrivé, mais il valait mieux anticiper !

Fouillant ensuite dans mon sac en toile, j'extrayais plusieurs bûches de hêtres, un gros minerai de cuivre - l'un des premiers que j'avais miné et que j'avais gardé en souvenir -, et plusieurs flammes éternelles de cerbères. Je les avais récupérées ici-même, d'ailleurs, après m'être séparé d'Alarick en assez bon terme. Me rappelant du sujet de la dispute, je me rembrunis tout grognant et pestant. Fichu Dahn. Il avait fallu qu'il l'ouvre !! Je ne savais pas vraiment pourquoi ça me gênait autant que l'acrobate soit au courant de cette tranche de mon passé, je n'avais aucune honte à avoir ... mais pour une obscure raison, cela m'avait considérablement énervé, au point d'en perdre le contrôle. Amorine avait pris la première salve de ma colère, mais en même temps, elle l'avait bien cherché.

En resongeant à tout ça, je n'avais pas remarqué que j'avais déjà commencé à sculpter le bois de hêtre. Je ne savais absolument pas ce que je pouvais fabriquer avec tout ce que j'avais sorti du sac, et il était hors de question que je retourne à l'échoppe pour poser la question à Dahn. En plus, nous étions toujours fâchés.
Redressant la tête, je repérais un gars dans son atelier, en train de discuter avec un forgeron. Allez savoir pourquoi, sans doute en raison de l'arc qu'il tenait en main, j'eus le sentiment qu'il s'agissait d'un tailleur de bois, aussi, je me mis aussitôt de bout et vint à leur encontre.

« S'cusez-moi, les gars, mais j'ai une question. Toi, là, tu es bien tailleur ? Je veux dire, sculpteur ! Sculpteur d'armes ! Enfin, tu tailles du bois, quoi ? »

Il rit.

- Aye, l'ami ! Je suis bien sculpteur. Toi aussi ?

« Ouais ! Enfin, j'essaie tout du moins. Dis, voici tout le merdier que j'ai ramené de mes déambulations », je leur montrais à tous les deux le contenu de mon sac en toile, « Y'aurait pas moyen d'en faire quelque chose ? J'connais pas grand chose au métier, je débute, et jusqu'ici, j'ai juste sculpté un modeste sceptre de l'initié ... »

Tel un expert, le sculpteur de la guilde se pencha et farfouilla de lui-même, manipulant avec précaution les flammes éternelles de cerbère.

- Hmm. Oui, je crois qu'il y a assez. Tu peux tenter un bâton de l'initié. Tout ce hêtre, cinq de tes flammes et le cuivre comme montant, et c'est fait. Arf, oui, mais il te faut le concours d'un forgeron pour le montant, justement ...

- J'dois en forger un, justement ! intervint le forgeron en nous écoutant. Ca ne me coute rien de le faire une seconde fois avec ce cuivre

« C'est fort aimable, mais je n'ai rien pour payer ton labeur ... »

- Hé ! On est des membres de l'Union ! On se sert les coudes et on s'entraide dans la famille, mon p'tit gars ! C'est pour moi ! me répondit-il gaiement en m'adressant un clin d'oeil, avant de s'en retourner à sa forge et à commencer le travail.

Je trouvais ça amusant qu'il mentionne la guilde, et parle de ce ramassis d'Élus et d'artisans comme d'une famille alors qu'ils ignoraient tous les deux comment je m'appelais, et bien entendu, je n'avais pas la moindre foutue idée de leurs prénoms, non plus. Enfin, au moins, j'allais avoir leur concours et c'était déjà bien sympathique de leur part.
Je m'en retourna alors à mon coin, et me mis à tailler le hêtre comme il se devait - ou du moins, comme je le pus. Cela me pris plusieurs heures, et le forgeron eut le temps de m'apporter le montant qu'il avait forgé. On sentait l'habitude pour qu'il termine aussi rapidement.

Le montant en question était savamment bien ouvragé : il pouvait facilement s'emboiter au sommet d'un bout de bois, pour peu que je le taillais suffisamment bien, et de la bonne circonférence. Ensuite, tel un ressort - ou une mini-tornade -, le cuivre était forgé en spirale, de façon à ce qu'il maintienne un composant à l'intérieur. Je pouvais aisément y intercaler une pierre précieuse, ou en l'occurrence, les cinq flammes éternelles.

Le jour se leva qu'enfin ! mon bâton de l'initié était terminé. J'y avais apporté quelques finitions, et avais poncé toute la longueur du manche avec du papier de verre. Et pour être certain de mon travail, je demandais une ultime faveur en ce sculpteur de la guilde pour qu'il me donne son avis. Pour seul commentaire, il me leva son pouce ... et il ne m'en fallu pas plus pour être fier de moi.

Qu'allais-je en faire ? C'était une bonne question ... Mais au moins, c'était de l'expérience en plus.

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