Loin d’avoir une vie chaotique, on peut estimer que tu as été longuement épargné par les problèmes. Né dans une petite famille de braconnier, ta mère s’occupait de traiter les peaux que ton père ramenait à l’issue de ses chasses. De quoi se nourrir et se payer de quoi vivre, un ensemble assez paisible au quotidien à l’orée de la forêt du grand noyé. Les détails ça n’a jamais été votre marque de fabrique, une vie simple, vous n’aspiriez à rien d’autre. Tu n’as jamais eu de frère ou sœur, puisque ta mère à manqué d’y passer en couche, les conditions de vie un peu isolées mènent à ce genre d’aléas. Tu es un enfant chéri, mais pas trop gâté, tu as même dû commencer à participer très tôt à la maison pour mériter ta croûte. L’utilité ne se réserve pas qu’aux adultes. Sont utiles les gens qui participent de bon coeur à un groupe social à hauteur de leur moyen. Sont inutiles ceux qui sont jugés néfastes pour leurs actions à une partie du groupe.

C’est jusqu’à tes dix-sept ans que l’on peut juger que tout s’est bien passé, puis les premiers changements chez ton père sont survenus. Un mal insidieux qui se mêle progressivement à la bonté d’un homme aimé et respecté de tous. Avec du recul, peut-être a-t-il sombré au fléau ? Peut-être est-il devenu fou ? Ni ta mère, ni toi ne pouvez estimer encore aujourd’hui la source de son changement. Ça commence par des haussements de voix, des remarques, des regards, le ton sec, parfois méprisable, des querelles sourdes où tu subis avec ta mère la fatigue d’un homme qui boit un peu plus que d’habitude. Impossible de le savoir, la cause t’es étrangère, peut-être qu’il a été infecté par un de ces trucs étranges que les légendes évoquent dans la forêt, une sorte de parasite ? Impossible pour toi de l’explique.
Sauf que tout allait crescendo, il a fini par lui hurler dessus, tu as pris ta première dérouillée après plusieurs mois de comportements odieux. Le brave homme aux yeux verts devant toi les avait injectés de sang en permanence. Une lente descente aux enfers qui se faisait ressentir sur vos finances, premiers manques, ta mère en pâtit le première. Le ton monte et lorsqu’il lève la main sur elle pour la première fois, c’est celle de trop. Ton sang n’a sûrement fait qu’un tour, mais tu lui as écrasé l’assiette sur le crâne avant de te saisir d’une bûche et de le calciner à la mort en le frappant. Un spectacle affreux et sanguinaire, mais il est entré de lui-même dans la case « inutile ». Il est devenu ce qu’il détestait le plus et par respect pour ce qu’il t’a enseigné, tu as bien préféré stopper son avancée dans la dégradation de son âme.

A la suite des évènements, le cadavre fut brûlé et enterré. Rester ici était impossible, ta mère ne le voulait pas. Direction Hyvriss, la grande ville la plus proche, ta mère trouva un emploi dans une tannerie, c’était mieux que rien. Tu t’es engagé dans la garde, à dix huit ans, le sang frais, le corps musclé et développé, tu étais une recrue de choix. Le maniement de l’épée à une main s’est imposé avec le bouclier, tu as découvert la vie de la ville. L’alcool, les filles, les rousses, pas les blondes, tu t’es perdu dans leurs yeux verts et leurs cheveux embrasés, comme tes yeux, les deux couleurs indissociables étaient envoûtants Toutefois, la fille et mère d’une famille noble et commerçante ce n’était pas l'idée du siècle, d’autant plus que le balcon était difficilement accessible (quoi que tu as réussis une fois pour passer voir la fille).

À force de prendre tes premières cuites, tu es tombé sur un lettré, un homme de science qui comme ton père ne buvait pas de bière, mais du gin, cet alcool semblait résorber toute l’amertume que tu avais d’avoir tué ton père en t’enivrant de sa propre amertume. C’est à ce moment que tu prends aussi connaissance des artefacts. Onyx, de son prénom était un vieil érudit, un écrivain qui compilait des ouvrages. Lorsqu’il évoque après plusieurs années, à tes vingt-trois ans, ses connaissances, tu es séduit. Tu veux partir à leur recherche, tu sais te battre et te défendre, d’autant plus si ces objets mystiques peuvent lutter contre le fléau. Ta mère commence à se faire âgée et tu crains pour sa sécurité. Bien qu’elle s’entende avec Onyx, tu te doutes que son emploi dans une grande tannerie d’Hyvriss finira par l’épuiser.

Il te faut deux ans pour mettre de côté un pécule assez conséquent pour vivre quelque temps sur les routes et assurer une petite réserve à ta mère. L’objet qui attire le plus ton attention est une épée, réputée légendaire au tranchant impeccable, l’ouvrage d’Onyx décrit sa lame d’une blancheur immaculée, presque céleste. Rien pas même l’acier ne peut lui résister. Avec une telle lame, tu espères bien parvenir à t’inscrire dans une guilde et combattre le fléau. Toutefois, peut-être que l’inverse semble plus légitime ? Peut-être qu’il vaudrait mieux compter sur une honnête guilde pour te dégoter un pareil objet ?