Après le tournoi, Uthred avait chevauché sans s'arrêter jusqu'à la forêt d'Istralis. Sur place, il avait laissé place à sa colère en bucheronnant – et tuant quelques dravens au passage – avant qu'enfin il ne retrouve sérénité. Pourtant, beaucoup qu'interrogations subsistaient. La première étant ce qu'il était advenu de la mercenaire.

Il avait aussi pensé à la pauvre Eleanor qu'il avait mise en tapis sans pouvoir véritablement lui parler. Mais son esprit en revenait toujours à Anay et il savait qu'il n'aurait de cesse de penser à la jeune femme tant qu'il ne l'aurait pas vu de ses propres yeux.

Le retour à la capitale se fit là aussi au pas de course, il fallait dire que plusieurs jours s'étaient écoulés depuis la fin des belligérances théâtrales... Il rendit son cheval fourbu au bailleur – non sans ajouter une petite prime bien mérité face à l'endurance de sa monture – et se dirigea vers le centre ville. Ses pas le portèrent rapidement à l'édifice qui abritait jusque là la guilde de l'Union. Quelle ne fut pas sa surprise en découvrant que les lieux avaient été investis par un commerçant.

Ce dernier lui appris que cette bâtisse était en réalité un local commercial qui était mis en location à qui en avait l'utilité. La guilde d'élus qui y avait donc séjourné avant lui avait donc déménagé ses locaux dans un autre endroit. Et bien entendu, l'homme était incapable de lui dire où...

Grommelant, Uthred n'eut d'autre choix que d'interpeler tous ceux qui croisèrent sa route alors qu'il déambulait comme une âme en peine dans les ruelles de l'immense capitale naggarotienne. Ce n'est qu'à la tombée de la nuit qu'il localisa enfin la maison où l'Union avait établi ses quartiers généraux. Une belle petite maison du reste, avec il semblerait une cours à l'arrière...

Aucune chandelle ne crépitaient aux fenêtres, l'endroit était désert – ou ses occupants endormis... Il dut se rendre à l'évidence et fit alors demi-tour, s'arrêtant dans la première auberge venue. Là, il demanda plume, encre et papier – ainsi qu'un bon repas chaud et une pinte de bière – et s'appliqua à écrire un mot à la jeune femme.

“Anay,
Depuis le tournoi je ne cesse de penser à toi, à tes paroles au roi, à ton corps meurtri.
On m'a interdit l'accès à l'infirmerie lorsque tu t'y reposais et après l'ultime combat final – et comme tu as du l'apprendre mon amer victoire – si on peut appeler ça comme ça – contre Eleanor – j'ai préféré quitter les lieux.
Je n'ai compris que trop tard la mascarade royale. J'ai passé quelques jours en Istralis pour me ressourcer et je viens à toi aujourd'hui.
Comment vas-tu ? J'ai tellement honte si tu savais... J'aurais du le comprendre plus rapidement, j'aurais du t'écouter plus attentivement.
Je souhaite me faire pardonner, je souhaite revoir ton sourire.
Accepterais-tu de me rejoindre dans deux jours pour un diner à l'Auberge du Cheval Blanc ?
J'y serais à 19h. Je t'y attendrais toute la nuit s'il le faut.
Ton ami, Uthred.”

Une fois sa signature apposée, il cacheta le tout dans une enveloppe – se servant de son anneau rant pour sceller l'envellope avec la cire jaunâtre de la bougie sur sa table – et alla la déposer dans la boite à lettre de la maison de l'Union une fois son repas terminé.

Il passa la journée du lendemain à se reposer, à flâner au marché, à faire comme s'il n'était qu'une petite gens sans importance, sans but grandiloquent. Le jour d'après il retourna au marché où il avait repéré un petit étalage de fleurs sauvage. Il fit faire à la petite commerçante un bouquet aussi gros que sa bourse le lui permis – non sans garder de quoi offrir à la belle tous les mets qu'elle souhaiterait à la carte de l'auberge où il l'invitait. Une fois satisfait de son achat – le bouquet était d'un romantisme à couper le souffle mais dans la vision du mage des fleurs sauvages n'avaient rien à voir avec des roses – il retourna aux locaux de la guilde de la Confrérie et passa près de deux heures dans les bains.

Il se décrassa de la tête aux pieds, tailla sa barbe – il l'avait trop laissée poussée, s'il se rasait à blanc il aurait d'horribles rougeurs sur les joues hors il avait bien assez de son regard de rapace pour faire peur aux gens – et échangea ses frusques de mage – qu'il comptait déposer aux lavandières en passant – contre un pantalon de cuir et une simple chemise de lin blanc. Il coiffa ses cheveux comme à son habitude en une demie-queue haute et pris le bouquet – qui avait patienté dans un cruchon rempli d'eau – avant d'enfin rejoindre l'auberge du Cheval Blanc.

C'était une maison de bonne réputation, où l'on mangeait raffinement des mets pourtant basiques... C'était un peu comme son bouquet de fleurs sauvages : la magnificence du simple. Et ça lui convenait bien... Il demanda une table pour deux à l'écart du bruit – même si cet établissement était loin des bouges alcoolisés qui pullulaient en ville – et commanda une bouteille de vin, pour patienter... Il était à l'heure dite mais ne savait si Anay pourrait y être aussi. Encore moins si elle allait venir...

Lorsqu'il la vit enfin arriver – avec environ vingt minutes de retard – il afficha un grand sourire. Il se moquait bien qu'elle ne soit pas à l'heure, à dire vrai il s'attendait à ce qu'elle ne vienne pas. Après tout, il l'avait humiliée dans l'arène et puis, ils étaient de guildes adverses... Le simple fait qu'elle soit là – à l'heure ou non – suffisait à le mettre en joie.

Elle ne le salua pour ainsi dire pas vraiment mais au vu de son expression et de ses paroles elle était surtout irritée d'être arrivée en retard... Cela fit encore plus sourire Uthred qui se trouva bien idiot d'avoir cru qu'elle ne voulait pas répondre à son invitation.

- Je ne sais pas, peut-être... répondit-il en premier lieu tout en attrapant le bouquet de fleurs qu'il avait laissé à côté de lui sur la banquette Mais vu l'heure c'est plutôt les travailleurs qui rentrent chez eux, les agriculteurs et autres caristes qui rentrent dans les murailles de la ville. il lui tendit le bouquet comme on passe une salière Et ne t'inquiète pas de ton retard, j'ai donné une heure sans connaitre ton emploi du temps, d'où ma précision que je t'attendrais. ajouta-t-il dans un sourire, tendant toujours le bouquet Tu ne le prends pas ? Tu n'aimes pas les fleurs peut-être ? Je voulais juste me montrer gentleman...

Une légère bouffée de chaleur lui monta à la gorge mais ne se répandit heureusement pas jusqu'à ses joues. Il se sentait un peu con à dire vrai... Après tout, ce dîner n'avait rien de galant malgré les apparences. En tout cas Anay l'avait compris vu sa tenue des plus simples – mais tout de même loin de son armure complète... Il ne l'avait encore jamais vue les cheveux remontés et il fallait dire que ça mettait irrémédiablement son beau et fin visage en valeur... Et dire que cette magnifique jeune fille était une redoutable combattante, personne ne pouvait s'en douter s'il ne la connaissait pas en la voyant dans cette tenue.