Bien, c'était parfait s'il n'avait eu aucun souci pour trouver et chasser ses lapins. Elle en sourit d'acquiescement. Pour ses collets, elle irait les relever plus tard dans la journée, avant de les replacer pour la nuit, ainsi, ils auraient de quoi manger pour ce soir, et avec un peu de chance, pour le repas du lendemain matin. Son estomac commençait à gargouiller si fort et elle se concentra tellement pour l'apaiser qu'elle ne se rendit compte de la présence de Mashoga derrière elle que lorsqu'il lui adressa la parole. De surprise, elle sursauta. Mais son étonnement ne s'arrêta pas là. Habilement, il défit sa tresse et entreprit de les dénouer à sa façon, complimentant leur beauté. A cela, elle pouffa de rire. Il y avait tellement longtemps qu'elle ne les avait plus entretenus ... Si autrefois, au début de son aventure, elle n'aurait pas été question de la voir dormir ailleurs que dans la plus chaleureuse et confortable des auberges, et encore moins de se priver d'une bonne hygiène, aujourd'hui, elle devait avouer qu'elle s'était fait à sa nouvelle vie et qu'elle s'était adaptée à la routine d'une aventurière beaucoup plus vite qu'elle ne l'aurait cru. Bien entendu, au début, c'était difficile, mais c'était pour tout : on s'habituait à tout.

Il lui administra un massage du crâne, et ses mouvements adroits et doux la détendaient. C'était un soin particulier tout à fait agréable qu'elle recevait et qui, étrangement, lui rappela sa condition. Si véritablement elle était fille de noble, jamais on ne la croirait avec pareille tignasse peu soignée ...

« Se faire ainsi coiffer en pleine forêt est bien un luxe que je n'aurais jamais cru avoir accès un jour ... », lança-t-elle en le laissant poursuivre ses manœuvres.

Comme il semblait si sérieux, et si concentré quand il s'agissait de manipuler des cheveux. Ou peut-être était-il plongé dans ses souvenirs, comme il venait de le lui dire ? Après tout, il venait de loin à ce qu'elle avait compris, et comme pour beaucoup d'Élus, il avait du laisser tout en plan pour venir à la capitale pour son initiation. Sa contrée natale devait fortement lui manquer.
Quand il stoppa et s'éloigna, Anay comprit qu'il en avait terminé. Pour inspecter le travail qu'il venait d'accomplir, elle se saisit de la longue tresse qu'elle ramena par-dessus son épaule et en contempla toutes les très fines tresses qui la composaient. C'était vraiment du beau travail, on sentait bien son habitude ...

« Nul besoin de contempler mon reflet pour cela, ce que tu as fait est vraiment très beau ! Ta soeur avait une sacrée chance ! Toutefois, si tu veux te laver, je connais un endroit. »

Aussitôt, et comprenant que le repas allait encore attendre un peu, elle se remit sur ses jambes, et s'étira le dos. Puis, elle fouilla dans son sac et extirpa quelques linges qu'elle avait pris pour sa toilette, les roula en boule et les coinça sous son aisselle.

« Prends tes affaires et suis-moi », lança-t-elle dans un sourire mystérieux.

Sans tarder, elle guida Mashoga dans la forêt, empruntant le petit sentier feuillu qu'elle prenait habituellement pour rejoindre la cascade et le lac dans lequel elle avait l'habitude de se délasser. L'eau était froide, oui, mais au moins, elle pouvait retirer toute la poussière et la sueur qui collaient à sa peau les jours de grand entrainement. Arrivée sur place, Anay se mit aussitôt à rougir : la dernière fois qu'elle avait pris un bain ici, elle avait fini par se faire voler ses affaires par un bébé draven joueur, avait coursé totalement nue à travers bois, et avait eu pour la première fois un véritable embarras face à la nudité d'un homme, en présence d'Uthred. Pourtant, autrefois, cela ne lui posait pas le moindre problème quand son mentor se déshabillait devant elle, et elle n'en éprouvait pas plus non plus à se retrouver nue devant lui. Il y avait entre eux une relation de pur respect, sans doute cela venait-il de là.

Secouant sa tête de gauche à droite pour effacer toutes les images du corps nu d'Uthred qui lui revenaient immédiatement en mémoire - et pour espérer faire pâlir ces joues qui avaient rosi -, elle n'y réfléchit pas plus, et se déshabilla en quatrième vitesse, sans complexe, pour être la première à entrer dans l'eau stagnante. Elle savait que ce n'était pas au goût de tout le monde, de baigner ainsi dans un ramassis de saletés, comme l'avait dit le magicien, mais ce n'était pas comme si la rivière était bien trop peu alimentée que pour prétendre être salvatrice.
Elle s'éloigna jusqu'au centre du lac, et plongea sa tête complètement pour se réveiller définitivement. Puis, une fois revenue à la surface, elle darda un coup d'œil du côté de Mashoga. Le petit poussin n'avait pas beaucoup de plumes, et méritait bien son surnom. Contrairement à tout ce qu'elle avait pu voir des hommes avec lesquels elle s'était baignée ou qu'elle avait malencontreusement vu dans leur plus simple appareil, Mashoga n'avait pas un corps particulièrement musclé. Au contraire, même. Très svelte, presqu'efféminé, il semait le doute de son genre jusqu'au bout. Mais la contemplation de la jeune femme s'arrêterait à son buste, il n'était pas question qu'elle agisse en perverse pour s'assurer qu'effectivement, il était bien homme.

« N'aie pas peur, elle est froide mais on s'y fait vite ! Et rien de plus revigorant qu'un bain glacial comme ça ! Même si, je dois avouer avoir une préférence pour les chauds, une fois en ville. Beaucoup plus détendant pour les muscles meurtris. »

Mashoga prit ses affaires propres et les plia soigneusement le long de son avant bras qu'il tenait à la perpendiculaire de son corps. Lorsque la mercenaire l'avait informé qu'elle connaissait un endroit où se laver, Mashoga s'était dit qu'il allait enfin pouvoir chasser tous les souvenirs de cette mauvaise nuit. Le repas qu'il avait préparé pouvait bien attendre ! En plus de ça, plus un plat mijotait et plus il gagnait en saveur.
Ils marchèrent et finirent rapidement par entendre une cascade au loin. Mashoga eut des frissons aussi bien à cause de la fraicheur que de l'excitation à l'idée de se laver.

L'attitude d'Anay l'intrigua lorsqu'il perçut du rose à ses joues. Pour satisfaire sa curiosité il l'observa sans trop se cacher. En même temps, n'ayant aucune mauvaise intention en tête le jeune homme n'éprouvait aucune raison pour cela. Il put ainsi découvrir son corps nu quelques instants avant qu'elle ne plonge dans l'eau. Il apprécia de découvrir un corps aussi puissant que féminin. Comme ce contraste était curieux. Sans sa parure, la féminité d'Anay était ravissante.
Tandis qu'elle plongeait, Mashoga commença à se déshabiller avec son soin habituel. Il étendit ses vêtements sur une branche solide au fur et à mesure qu'il les retirait. Habitué aussi bien par sa nudité que par celle des autres, il ne chercha pas à se précipiter dans l'eau pour se cacher des regards indiscrets. D'ailleurs, il vit Anay l'observer sans même remarquer qu'elle n'osait regarder plus bas que son torse. Il était trop naturel d'être ainsi pour concevoir la moindre gêne à cet égard.

Contrairement à Anay, Mashoga ne parvint pas à entrer dans l'eau avec autant de facilité. Seuls ses pieds trempaient et cela suffit à parcourir tout son corps d'un frisson glacial.
« Elle est vraiment froide... Comment avez-vous fait pour rentrer dedans comme ça ? » Il était obligé de parler fort pour se faire entendre et couvrir le bruit de ses dents qui claquaient. Il fit un pas hésitant et l'eau monta jusqu'à ses genoux. Puis perdant tout de son élégance habituelle, il se laissa tomber dans l'eau d'un seul coup. Le froid le saisit instantanément, l'empêchant de respirer normalement. Il se mit alors à nager. Ses gestes étaient saccadés tant le froid raidissait ses membres. Aussi, il soufflait tant bien que mal à chacune de ses respirations. Au bout de quelques mouvements de brasse, son corps commença à s'habituer à la fraicheur de l'eau et il put enfin arrêter de trembloter.

« J'ai aussi une préférence pour les bains chauds ! » Lâcha-t-il en riant. C'est qu'il était tout à fait inutile de le préciser. Il se rapprocha de la mercenaire dans le but de s'aider à se laver. Mashoga avait l'habitude de se faire frotter le dos et inversement, il aimait frotter le dos des autres. Il glissa alors jusqu'à Anay avec beaucoup plus de souplesse qu'à son entrée. Ses muscles commençaient enfin à se détendre et à le réchauffer. « Voulez-vous que je vous frotte le dos ? » Demanda-t-il le plus naturellement du monde.

Alors qu'il était proche d'Anay, un poisson vint effleurer sa cuisse sans qu'il ne s'en aperçoive. De surprise il écarquilla les yeux et dévisagea la jeune femme. Venant d'elle, Mashoga était plus qu'étonné. Il se rappela alors de son combat à ses côtés et se souvint qu'elle avait été une meneuse et qu'elle avait tout aussi bien su prendre les choses en mains. Finalement, peut-être n'y avait-il rien de surprenant à ce qu'elle se manifeste de la sorte...
« Pourquoi maintenant ? » Demanda-t-il. Le jour de leur rencontre, ils avaient bu un verre ensemble dans une taverne. Ils avaient également passé la nuit ensemble. Alors pourquoi manifester son désir à ce moment précis ? Ils s'apprêtaient simplement à se laver.

Anay rit gentiment en entendant Mashoga se plaindre de la froideur de l'eau. Elle l'avait pourtant prévenu. Il était vrai que la première fois qu'elle avait elle-même testé les bains naturels en eau froide, elle avait pris tout autant de précaution que Mashoga en prenait actuellement. Mais finalement, c'était comme un pansement : il fallait le retirer vite et d'un seul coup pour minimiser la douleur. C'était la raison pour laquelle elle plongeait toujours sans hésiter. La morsure du froid était là, certes, mais ne durait pas bien longtemps une fois tous ses membres habitués.
Puis, la mercenaire se retint une nouvelle fois de dire. Son ami acrobate venait de plonger une bonne fois pour toutes, et tentait tant bien que mal de nager en sa direction. C'en était comique, à garder obstinément la tête à la surface de l'eau, on dirait dit un chien qui battait des pattes pour avancer.

Le petit poussin se proposa alors pour lui frotter le dos, une proposition qui étonna grandement la blonde. Se faire coiffer, c'était une chose. Se faire laver en était une autre. Si tant était qu'elle était effectivement fille de noble, sans doute n'aurait-elle pas trouvé cette demande étrange, avec l'éducation adéquate qu'elle aurait reçue. Mais en état, ayant grandi à la ferme, elle n'était définitivement pas à l'aise à cette idée alors qu'elle avait toujours pris soin d'elle toute seule. Elle s'en allait pour décliner poliment quand Mashoga la dévisagea, yeux écarquillés et interrogatifs.

« Pourquoi maintenant ? » avait-il demandé.

De la même façon, Anay observa son compagnon, sans trop comprendre.

« Hm ? Plait-il ? Pourquoi quoi ? » interrogea-t-elle, le sourcil droit levé.

Défi:

Lorsqu'il vit la réaction d'Anay, Mashoga percuta aussitôt la méprise. Il avait cru que la jeune femme lui avait effleuré la cuisse et, les joues rougissant soudainement, il comprit que ça ne devait être qu'un poisson. Il ouvrit alors la bouche pour parler mais ne sut quoi dire. Il sentait son visage lui chauffer et se mit alors à toussoter afin de cacher difficilement sa gêne. Très vite cependant il se ressaisit et se mit à rire. Il lui fallait retrouver son calme pour ne pas se ridiculiser plus que ce n'était déjà fait.

« Crois-moi, dit-il en faisant un clin d'oeil. que l'atmosphère est parfaite... » Il rit de nouveau avant d'ajouter. « Rassure-toi, ce n'était qu'une blague ! »

Il se remémora la tête de la jeune femme avant de se remettre à rire, sincèrement cette fois-ci. Avec le recul la situation était drôle. Et comme si de rien n'était, il se frotta le corps sans pudeur. Cette toilette était aussi revigorante qu'un bon repos sans interruption. Pendant ce temps-là, il se demanda tout de même pourquoi Anay avait refusé qu'il lui frotte le dos. Il n'y avait absolument rien de déplacé dans cette proposition. Après tout, c'était une pratique régulière qu'il avait longtemps employé avec plaisir aussi bien avec sa soeur qu'avec les inconnus partageant son grand bain. Feignant toujours la blague, il se tourna à nouveau faire elle et ajouta d'une voix doucereuse.

« Et puis j'sais pas ce qui se passe t'as ce regard dans la face qui me ramène à la case départ, là où je suis parti, nous ramène à la soirée du bar quand on est sorti et c'est cette même complicité qui s'installe... Deux vies, deux voix qui se rencontrent, deux histoires qui se racontent. »

Il termina sa réplique d'un regard charmeur et finit par sourire de sa propre bêtise. Il plaisantait mais dans le fond il pensait véritablement ce qu'il disait. Bien que pour l'occasion il se faisait volontairement passé pour un charmeur de seconde zone. Mais Anay avait vraiment changé sa vie. Peut-être parce qu'il était en plein dans une période de changement et qu'elle était arrivée au bon moment. Dans tous les cas il lui en était reconnaissant de cette voie qu'elle lui présentait.

C'est alors que des cris se firent entendre au loin. Mashoga se redressa aussitôt, sentant la morsure du froid sur sa peau. On aurait dit un enfant qui hurlait de terreur. Sans plus attendre, le jeune homme sortit de l'eau et se rhabilla sans même s'essuyer. Ses vêtements ne s'enfilaient pas facilement et il dut se contenter de les porter de la sorte, bien que sa tenue était loin d'être convenable ainsi. Mais peu importait, il y avait semblait-il une urgence. Il ramassa ses armes et s'élança dans la direction des cris.
Il n'avait pas adressé un seul regard à Anay, mais pour le peu qu'il la connaissait il se doutait qu'elle réagirait de la même façon. Après quelques foulées, il distingua une petite silhouette au loin entourée de créatures menaçantes.

« Il faut aller l'aider ! »