Je venais de rentrer saine et sauve à la capitale grâce à Uthred, mais c’est avec tristesse que je regardais ma nouvelle amie, Aliénor, s’éloigner avec le mage. J’avais accepté avec beaucoup de mal le fait que j’étais une élue, mais n’arrivant toujours pas à utiliser mon pouvoir, il s’était permis de me donner quelques conseils avant de me quitter. Uthred m’avait indiqué une taverne situé dans le quartier marchand de la capitale et dans là quelle les Élus s’arrêtaient régulièrement se reposer et boire un coup entre deux missions. Je ne pouvais pas la ratée qu’il m’avait dit et effectivement difficile de rater un grand arbre en guise d’enseigne.

Retenu par ma timidité, je mis un certain temps avant d’en pousser la porte. Je restais bloquer dans l’embrasure, désemparée par tant de monde attablé à l’intérieur. Une serveuse agacée par sa journée, passant à côté de moi, me lança :

tu rentre ou tu sorts, mais ferme la porte.

Poussé par la serveuse, je décidais de chercher ce que j’étais venue trouver ici. Il m’avait dit qu’une de ces amies, grande et blonde, était à la capitale actuellement et que je la reconnaîtrais si je la voyais. Je cherchais donc du regard une femme pouvant correspondre à cette description sans remarquer que j’étais au milieu du passage entre deux tables. Toujours aussi aimable, la serveuse vint à me bousculer, renversant au passage une chope qui éclaboussât un client.

Fais attention reste pas là!

Le client s’énervait, le ton montait, apeuré, je reculais jusqu’à heurté malgré moi une chaise d’un autre ivrogne. Il se retourna passablement énerver, me regardant avec des yeux noirs. Effrayée, je cherchais frénétiquement du regard une tête blonde synonyme de salut. Entourée par tant d’être menaçant, je reculais terrorisée, manquant de perdre l’équilibre en heurtant une chaise. Je me rattrapais désespérément à la table, renversant la tasse d’une jeune femme attablée ici. Je me laissais tomber sur la chaise, baissant la tête contrite les larmes aux yeux et tremblant de peur.

Anay soupira, une fois de plus, en regardant partir la personne qu'elle était venue rencontrer dans cette taverne où elle avait presque élu domicile. Combien de fois n'avait-elle pas dit à Jade qu'elle n'était pas faite pour ça ? Avoir été promue comme vice-cheffe de la guilde de l'Union avait été flatteur, certes, et très certainement justifié quand on constatait objectivement l'investissement dont elle faisait preuve ... mais certaines responsabilités qui l'incombaient ne lui seyaient guère. Jade était fille de marchande. Négocier, débattre longuement, apporter sur la table et étayer ses arguments, c'était tout le domaine de la cheffe. Anay était très loin d'y exceller. Alors, quand l'acolyte lui avait demandé de démarrer une campagne de recrutement pour trouver de nouveaux membres parmi les Élus, elle avait rechigné à le faire, prétextant qu'elle n'avait pas le bagou pour ça - même si au final, ce n'était pas vraiment un prétexte, c'était simplement la vérité. Mais son amie l'avait mis en confiance, et puis, elle ne pouvait rien lui refuser quand elle lui demandait quelque chose, avec ces beaux grands yeux bleus larmoyants. Manipulatrice ...

L'homme avec lequel elle n'avait échangé que quelques phrases s'était très vite montré hostile à sa propagande, rétorquant qu'il était mieux seul qu'accompagné d'Élus susceptibles de le ralentir dans sa mission. Anay n'eut même pas le temps d'amorcer tous les avantages que cela représentaient d'être dans la guilde, et au vu de sa grossièreté, elle n'eut guère envie d'insister.
Pour se détendre, elle ramena sa tasse de thé à ses lèvres, humant ce délicat arôme de bleuet. Ce n'était pas dans ses habitudes de boire pareil breuvage, mais il  n'y avait rien de tel pour apaiser sa nervosité et ses frustrations.

A peine eut-elle le temps de poser sa tasse sur la table qu'on cogna sa chaise. Un petit être passa à ses côtés, titubant, se rattrapant à la table et faisant valdinguer son thé qui se déversa sur ses genoux, trempant et colorisant sa tunique de coton toute neuve, et terminant sa course avachie sur la chaise libre en face. Anay sursauta quand le liquide chaud lui brûla les jambes, mais contint son agacement. Ce genre de choses arrivait fréquemment quand la taverne était pleine à craquer. Levant les yeux face à elle, elle découvrit une toute jeune fille, blême et totalement effrayée. Assurément, ce n'était pas un lieu pour une enfant.

Aux tables autour d'elle, les clients étaient énervés, certains lançaient des insultes à cette gamine qui visiblement, venait de déranger tout le monde. Anay leur jeta un regard noir et désapprobateur, mais ne dit rien. A force, elle connaissait les habitués, et surtout, elle-même était connue dans le coin pour y être fréquemment. Et chacun savait que la mercenaire n'était pas le genre de personne avec qui on avait envie d'avoir des problèmes. Les clients mécontents ravalèrent aussitôt leur salive et se calmèrent, retournant à leur occupation première.

« Eh bien, eh bien, que de remue-ménage pour une si une jeune et si petite fille », déclara-t-elle dans un sourire éclatant. « Installe-toi tranquillement, gamine, personne ne va pas te manger. Et surtout pas moi. »

Anay se saisit d'un mouchoir tiré de sa poche pour éponger ses jambes et sa pauvre tunique ruinée.

« Les tavernes ne sont pas des lieux pour des enfants, tu sais. C'est même dangereux. J'espère que tu as une bonne raison d'être ici »

Puis, elle héla la serveuse d'une voix forte. L'employée, qui servait deux tables simultanément, accéléra la cadence et arriva à leur table en un clin d'oeil.

- Qu'est-ce que j'vous sers ?

« Un autre thé au bleuet pour moi, je te prie, et pour la demoiselle ... », elle posa ses yeux vert-doré sur l'inconnue aux cheveux blancs, « qu'est-ce que tu veux, petit oiseau ? Fais-toi plaisir, c'est moi qui régale. Une boisson chaude ? Du lait ? A manger peut-être ? »

Il était vrai que sa vis-à-vis n'était pas bien épaisse. Elle l'avait appelée petit oiseau parce qu'avec ces airs si fragiles, elle lui avait fait indéniablement songer à un oiseau tombé du nid, mais maintenant qu'elle y regardait de plus près, elle avait tout du petit épouvantail mal nourri.

Alice était revenue à la ville sans trop d’encombres finalement. Elle ne savait pas trop pourquoi sa brûlure s’était ravivée ainsi.

Fière de sa première récolte, elle s’était dirigée tout de suite vers la boutique du marchand afin de lui vendre les quelques ressources qu’elle avait pu trouver.
Elle avait bien compris qu’elle avait du effrayer le gérant la dernière fois avec son débit verbal. Il faudra qu’elle y fasse plus attention la prochaine fois , certaines personnes sont méfiantes quand on parle trop.

Après cette halte nécessaire, elle se demandait bien où elle pourrait se rendre.
En déambulant dans les rues d’Aswalt, elle aperçu une très jeune fille au cheveux blancs qui avait l’air un peu perdue. Elle dénotait dans les rues bondées de monde et semblait chercher quelque chose. Elle la suivit du regard et la vit s’approcher d’une taverne. Elle hésitait à entrer et se fit houspiller par une serveuse.

Alice esquissa un sourire mi-amusée mi-inquiète.
Décidément cette fille est intriguante, je vais la suivre, elle serait capable de s’attirer des ennuis.

Elle entra à sa suite et profita du spectacle. On aurait dit qu’elle cherchait quelqu’un mais bien avant d’avoir pu le trouver, elle mit un sacré bazar dans la taverne. Au point qu’elle se trouva assise à une table en renversant le contenu de plusieurs boissons. Alice était subjuguée par tant de maladresses mais aussi quelque peu peinée pour cette jeune fille.
Elle fut interpellée par la personne qui se trouvait à la table où la jeune fille s’était assise. Elle avait un prestance qui fit taire d’un regard l’assemblée, passablement énervée par l’irruption de la gamine.
Sûrement quelqu’un d’intéressant elle a l’air d’être bien connue des habitués. Peut-être pourrait elle me renseigner sur ma famille ?

Mais comment les aborder ? Alice ne pouvait pas se permettre de les rendre muettes tout comme le marchand. Si elle voulait des informations, il allait falloir se montrer sous son meilleur jour et ne surtout pas les effrayer. Elle décida de s’adresser directement à la jeune fille aux cheveux blancs pour la rassurer.

- Bonjour, je m’appelle Alice, je t’ai observé rentrer dans la taverne et je t’avoue que j’étais un peu inquiète pour toi vu les regards noirs que tu as reçu. Heureusement, ton amie semble avoir une certaine autorité dans ce rade. Cela vous dérange t-il si je m’assoie avec vous ? On pourrai faire connaissance.

Alice leur sourit et attendit leur réponse…

Je n’osais pas regarder celle que je venais de bousculer et sur là quelle j’avais renversé son verre, je m’attendais à me faire sermonner. J’avais baissé la tête dans l’attente d’une punition qui ne venant pas devenait insupportable. Les insultes à mon égard avaient cessé bien que je sentais encore des regards posés sur moi.

Contrairement à mes appréhensions aucuns coups, insultes ou réprimandes ne venaient, je relevais légèrement la tête pour la voir éponger ses vêtements imbibés de thé alors qu’elle m’invitait à m’installer à sa table en interpellant la serveuse et me proposant de commander.

Gênée par sa proposition, je m’y un certains temps pour répondre, ne me décidant que lorsque le regard déjà mauvais de la serveuse devint trop insistant.

Un verre de lait !?

Les yeux toujours rivés sur la table, j’en venais à me demander si Uthred avait eu raison de m’envoyer ici chercher son amie. J‘aurais préféré rester avec lui et Aliénor, elle, elle me manquait déjà. La seule raison que j’avais de venir ici était de trouver, quelqu’un que je ne connaissais pas et je venais à penser que c’était une mauvaise idée.

Je cherche une amie de Alien… heu… Uthr…

Je n’eus pas le temps de finir ma phrase qu’une seconde femme vint nous adresser la parole. Je sursautais à son approche m’enfonçant encore plus dans mon siège. J’étais pris au piège entre deux inconnues qui certes ne semblait pas vouloir me faire du mal, mais restaient tout de même impressionnante de par leur taille.

Je relevais timidement les yeux vers la nouvelle venue tout en lissant mes cheveux afin de cacher au mieux les cicatrices apparente. Une grande rousse, je ne pus m’empêcher de remarquer qu’elle portait elle aussi un bâton semblable au mien, est ce une élue elle aussi ? Je finis tout de même par oser lever les yeux sur celle qui m’avait invité à sa table. Celle assise en face de moi était grande et blonde, se pouvait-elle que ce soit elle ?