Arrivée à un petit hameau à quelques kilomètres à peine du mur, dans les campagnes hivryssiennes, Anay s'offrit pour l'une très rare fois un grand pichet de bière à la taverne du coin. Peut-être un peu calmée de sa colère qui n'avait eu de cesse de grandir dans la forêt du grand noyé, elle n'avalait toujours pas la pilule et n'arrivait pas à croire qu'Hecktor ait eu pareil discours, ou même pensée. Le pire dans tout cela, c'est qu'elle craignait que dans moult années, quand elle arriverait à son niveau d'expertise, elle soit touchée par le même cynisme. Et cela l'effrayait terriblement.

Elle avait pensé que l'alcool allait apaiser ce qui la travaillait depuis des jours maintenant, comme on ne lui avait si souvent fait remarquer que les ivrognes noyaient leurs problèmes dans un bon verre de bibine, mais en fin de soirée, après quelques pichets d'avalés, elle ne trouvait pas le moindre réconfort.
Titubante et totalement ivre - même si elle tentait de donner le change et de se convaincre qu'elle n'était que "pompette" -, elle paya pour la meilleure chambre de l'auberge du coin où elle ronfla comme un véritable bûcheron jusqu'au lendemain. Le soleil devait avoir atteint son zénith qu'elle daigna ouvrir un oeil. La lumière du jour l'agressa aussitôt - elle avait oublié de fermer les volets de la fenêtre -, et allongée sur le ventre en diagonale sur son lit, elle se retourna péniblement, une sensation humide sur sa joue. D'un revers de manche, elle essuya toute la bave qui avait coulé, probablement après une nuit où elle avait dormi la bouche ouverte. Sa tête bourdonnait sévèrement, et sa bouche était pâteuse. C'est avec une très grande difficulté qu'elle s'extirpa de sa couche pour aller admirer son reflet dans un miroir flou et sale. Quelle affreuse expression elle affichait ! Rien à voir avec l'héroïne qu'elle prétendait être ...

Telle une morte-vivante, elle quitta le hameau en direction du nord, toujours, bien décidée à rentrer à la capitale, peut-être pour y faire un tour en guilde. C'est en jetant un coup d'oeil au ciel et à ces intenses nuages noirs qui pointaient à l'horizon à l'ouest qu'elle admira les montagnes célestes qui découpaient le panorama en pointes acérées. Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait plus gravi ces monts, ni tâté de la bête poilue ou plumée; et rien qu'à cette idée, elle eut du baume au coeur. Ce qui acheva de la convaincre, aussi, elle bifurqua au prochain embranchement et prit la direction des montagnes célestes. Arswalt pouvait encore attendre un peu.

Reprendre l'ascension de ces montagnes ne fut pas de tout repos pour Anay. Bien trop longtemps elle était restée à plat, dans les autres régions explorées de Naggaroth, et elle avait fait bien trop peu d'exercice pour maintenir une endurance suffisante que pour ne pas être fatiguée après quelques dizaines de mètre de hauteur. Il fallait croire qu'à force de manger du sanglier, elle avait fini par s'encroûter un peu. Elle ne se découragea pas pour autant, s'aidant d'une main contre la roche d'une part, et de son épée dans son fourreau qui lui faisait office de bâton de marche d'autre part.

Elle ignora le refuge et poursuivit sa progression, poursuivant toujours le même chemin qu'elle avait déjà eu l'occasion de prendre quelques fois. Comme à chaque fois, elle se rappelait de son épopée grandiose avec Jade, de même que la dernière fois où elle avait été secourue par un trio venu d'ailleurs. Oui, c'était bien ce qui s'était passé la précédente fois où elle s'était frottée à des cergles. Sauf qu'aujourd'hui, elle n'entendait pas tomber dans l'inconscience. Aujourd'hui, elle avait une rage à éteindre. Aujourd'hui, elle repartirait avec un sac plein de serres de ces fichus cergles - car elle les avait ciblé, valait mieux eux qu'une meute d'impériaux.

Elle tomba assez vite sur un nid. Quatre cergles lui fit face en bordure de falaise, une fois les crevasses passées. N'hésitant pas une seconde de plus, elle fonça dans le tas en hurlant et chargea un premier cergle. La bête se mangea son bouclier ainsi qu'un bon coup d'épée bien senti qui le terrassa sur le coup.

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'Combat (facile)' :

Des trois cergles qui avaient été surpris de la voir débouler de nulle part et qui avaient été les témoins du massacre de leur compagnon, deux seuls furent furieux et contre-attaquèrent. Le troisième, probablement une femme, restait couchée sur un nid, probablement en train de couver un ou plusieurs œufs.
Ceux qu'Anay prit pour deux mâles protecteurs jouèrent des sabots, et coururent à une vitesse améliorée par le vent dans leurs ailes déployées et entrèrent en contact avec le bouclier de la mercenaire. Elle fut ainsi repoussée sur quelques mètres, loin de la femelle qui couvait ses petits, mais tint bon. Les ramures des cergles contre son égide ne faisaient pas le poids.

Dans un réflexe de guerrière, elle abattit son épée avec violence sur le premier cergle qui était à sa portée et le blessa considérablement, enfonçant la pointe de la lame directement dans son dos. L'animal recroquevilla ses ailes autour de lui et s'éloigna quelque peu dans un instinct sauvage qui lui était propre. Seul le dernier cergle sur elle chercha à la blesser davantage, se dressant sur ses sabots arrière et usant de ses serres d'aigle pour déchiqueter et griffer tout ce qu'il put. La blonde para sans mal l'attaque, mais chaque coup de l'animal énervé était si impressionnant qu'elle se blessa en subissant chaque contre-coup de son bouclier.

A force de subir de telles attaques combinées, Anay allait se retrouver totalement acculée contre la paroi de la montagne, et elle savait d'expérience que ce n'était pas un bon signe, ni un bon emplacement stratégique si elle voulait en venir à bout. Peut-être ses intentions et ses gestes étaient galvanisés par sa rage, cette colère qui ruisselait en elle depuis sa dispute avec Hecktor, mais elle n'était pas assez aveuglée pour foncer tête baissée, et perdre de sa jugeote. Il fallait qu'elle bouge, et qu'elle bouge rapidement : dans sa vue périphérique, elle remarqua que le cergle qu'elle avait sévèrement touché et qui s'était éloigné pour l'instant commençait péniblement à se redresser sur ses pattes et il n'était qu'une question de temps pour qu'il ne rejoigne son congénère pour une attaque simultanée qu'elle aurait bien du mal à encaisser cette fois-ci.

Aussi, appliquant une force considérable sur son bouclier, et hurlant de toutes ses forces, elle repoussa le cergle devant elle et se mit à charger droit devant, allant jusqu'à la femelle couveuse, profitant de sa faiblesse pour l'occire. Un coup de bouclier et un matraquage en bonne et due forme de son épée, et le tour était joué.
Anay se doutait bien qu'à cette action imprévisible, les cergles en arrière auraient été surpris sur l'instant puis, en découvrant leur femelle gisant au sol dans son sang qui colorisait le sang poussiéreux de la montagne ainsi que les oeufs restés sans défense, ils allaient redoubler de colère et se montrer furieux dans leur contre-attaque. Mais seul celui qui était en bien mauvais point eut la force nécessaire pour galoper jusqu'à elle et la prendre à revers. Sans doute était-il le mâle alpha de ce groupement de cergles, et mâle de la femelle qu'elle venait d'abattre. Elle para de son bouclier, encore une fois, un réflexe qui lui était maintenant très naturel et dont elle se flattait de maîtriser l'usage, mais fut dangereusement repoussée en bordure de falaise.

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