Il s’était réveillé avant l’aube – comme souvent. Il avait regardé Amorine dormir sur la paillasse à côté de lui et écouté ses bruits – ses souffles lents, parfois sifflés, parfois ronflés, souvent bruités en de petits bruits presque mignon, comme un bébé qui s’agite légèrement dans son sommeil. Puis il s’était perdu dans ses pensées.

Cela faisait quasiment six mois désormais qu’il avait été élu par l’Arbre de le Vie. Il avait combattu le Fléau sous presque toutes ses formes. En équipe – lors des vagues organisé par les Maîtres pour tester la courage et la puissance des nouveaux arrivants – en solitaire – les dravens n’avaient qu’à bien se tenir ! – mais aussi en duo. Il se rappellerait toute sa vie de sa rencontre avec le Doux-Dingue qu’il appelait maintenant ainsi plus comme un surnom amical qu’autre chose – même s’il ne le nommerait jamais en face à face, Mélaskholes pourrait le prendre comme une insulte ou ne pas comprendre. Il lui avait sculpté un bâton, il avait reçut de lui une rune de capture… C’est ainsi que Pignouf l’avait adopté – Alarick ne comprenait toujours pas comme une créature qu’il avait tuée et ressuscitée avait pu s’attacher à lui aussi facilement.

En pensant à lui justement, la petite créature poilue qui s’était endormie aux pieds d’Alarick s’éveilla dans un fin jappement et vînt se frotter au jeune homme. Il avait d’étranges attitudes, entre chien et chat… Mais ça n’était pas pour déplaire au jeune homme qui fourra sa main dans les poils – à présent plus doux que l’animal ne vivait plus dans la rue mais surtout après un bain que lui avait donné son nouveau maître – et se mit à la caresser sans y faire attention tout en se replongeant dans ses pensées.

Mélaskholes… Il avait véritablement une toute autre vision de l’homme qui avait véritablement prouvé sa puissance alors qu’ils revenaient – eux et deux autres élu dont le mage a qui il avait sculpté un sceptre et un tout jeune acrobate qui ne manquait pas moins d’agilité - tout juste d’une mission de groupe. Un Donjon, c’était ainsi que l’avait nommé Amorine.

Ses pensées revinrent alors sur l’enchanteresse alors que cette dernière ne l’avait pas accompagné derrière les Grandes Portes. Elle l’y avait incité – grandement – mais ne l’avait pas suivi. Et Alarick s’était senti pousser des ailes. Certes, l’Ectoplasme et l’Autre avaient été particulièrement pénibles durant cette aventure mais Alarick s’en était sorti seul, sans aide de l’enchanteresse. Il pensait de plus en plus à quitter ses jupons… Non pas qu’il s’y cachait mais c’était l’étrange sensation qu’il avait à force de faire la route à ses côtés… Elle agissait avec lui comme une mère et ça pouvait parfois donner lieu à des situations très gênantes – voir honteuses – pour l’acrobate qui n’avait jamais rien demandé… Et puis, force était de constater qu’il n’avait plus vraiment besoin d’elle maintenant qu’il était lancé sur sa voie.

Penser à Amorine comme à une mère fit indubitablement dériver ses pensées vers sa véritable mère. Lydia, restée avec son père dans les Montagnes Ecorchées, vivant avec les autres brigands qui sévissaient en ces lieux de perdition… Un reniflement retînt une larme de mélancolie et une nouvelle pensée germa dans sa tête.

Il avait traversé Naggaroth de part en part alors qu’il n’était qu’un gamin – fort du groupe qu’il formait avec ses anciens camarades – et avait vécu des aventures dignes d’un élu sans en être un encore. Il avait perdu des amis mais lui avait survécu. Et a présent il était bien plus fors que lors. Avant qu’Amorine ne le kidnappe, il avait prévu de prendre la route pour rejoindre ses parents – et couler avec eux des jours heureux et calmes, loin de ses récentes mésaventures. Qu’est-ce qui l’empêchait aujourd’hui de le faire… ? Sa nouvelle condition ? Mais AU CONTRAIRE !

Les Montagnes Ecorchées pullulaient de créatures fléautiques et les brigands du coin éprouvaient toujours des difficultés à les repousser. La présence d’un élu parmi eux pourraient grandement faciliter leur vie déjà difficile… Enfin, difficile mais choisie… ! Après tout, cette bande de vilains recelait de bien de personne capable de bien des choses… Il y avait de fins épéistes parmi eux, des sculpteurs – comme sa mère – mais aussi des forgerons, d’ancien travailleurs de la terre, des joailliers, même des intellectuels… ! C’était grâce à l’un d’eux d’ailleurs qu’Alarick avait appris les rudiments de la lecture et de l’écriture… Même s’il écrivait très mal et passait plusieurs minutes à déchiffrer lettre après lettre les notes qu’il pouvait lire sur les panneau d’affichage.

Pourtant, ce matin-là, c’est sans réfléchir plus avant qu’il se saisit d’un bout de parchemin et d’une plume pour écrire à Amorine.

Ami,
Je par. Vais voir maman é papa, dan lé Montanieu Ecorché.
Il me manke.
Je ne ve pas revenir à Arswalt.
O revoir, Alarick.

Son écriture était grossière, l’encre bavait, l’orthographe était approximative… Mais c’était lisible et compréhensible.

Faisant attention à faire le moins de bruit possible, il déposa le mot sur la petite table de la chambrée qu’ils avaient louée dans une auberge de la capitale, fit son paquetage et sorti – suivit de Pignouf qui était lui aussi très silencieux, comme s’il calquait l’attitude de son maître.

Le soleil commençait juste à poindre, Alarick s’arrêta sur le pas de la porte de l’auberge pour en sentir les rayons sur son visage avant de pousser un soupir et se mettre en route.

Serait-ce un peu de peur que je sens… ?
Moi je dirais une légère appréhension surplombée par une motivation grandissante…

Chassant les voix d’un geste de la main, Alarick ne leur répondit pas, même si elles continuaient à parler entre elles. Il s’habituait de plus en plus à leur présence et même si l’Ectoplasme lui en avait fait voir de toutes les couleurs récemment, il arrivait toujours à s’en sortir indemne. Il avait renoncé à essayer une des potions proposée par Amorine, ayant finalement peur que ça aggrave plus qu’autre chose… Après tout, elle ne pourrait jamais savoir ce qu’il vivait exactement, ce qu’il se passait dans sa tête… Comment pouvait-elle l’aider… ?

Il sorti de l’enceinte de la ville sur les coups de huit heure. Il s’arrêta à une cariole ambulante qui vendait du pain de toute sorte et des victuailles de voyageur. Il remplit donc son sac de miches, de saucisses sèches, de fromage dur et de quelques pommes.

Les campagnes Arswaltiennes lui ouvraient grands les bras, Pignouf trottinait gaiment à ses côtés, le soleil rayonnait à sa gauche, il prit la direction du sud.

Bien droit dans ses bottes, cape lâchée dans son dos, arc en travers du torse et casque accroché à son carquois qu’il avait à l’épaule – sa besace à l’autre – Alarick regardait droit devant lui les campagnes verdoyantes qui se profilaient à l’horizon. Il accéléra le pas, ayant soudainement hâte de sentir l’odeur de l’herbe fraiche de la rosée du matin… Pignouf sautillait à ses côtés, éponge des émotions de son maître… Mais soudainement, une voix qui le hélait le fit sortir brusquement de ses rêveries un tantinet enfantines.

- Oh, Iain ! Bin ça alors ! son visage déjà décontracté par son projet se scindât d’une immense sourire extatique et ô combien heureux Ouai, j’ai laissé ma sorcière à l’auberge, j’ai besoin d’être seul… Telle que je la connais elle finira par me rejoindre mais je pense qu’elle me laissera faire mon voyage sans m’imposer sa présence. dit-il, tout ingénu, souriant toujours Et toi, que fais-tu ici ? T'attends quelqu’un ? il regarda autour de lui avant de revenir sur le mage

L’homme pourtant si beau affichait une mine défaite, déconfite, comme s’il manquait de sommeil ou qu’il se réveillait d’une soirée de beuverie… Il était pourtant très tôt, ne s’était-il pas couché… ? Et puis, cela semblait soudainement étrange qu’il appelle ainsi Alarick, vu la manière dont ils s’étaient quitté la dernière fois, le jeune acrobate avait des doutes sur les intentions réelles d’Iain. Était-il encore soul pour ainsi se manifester… ? S’il ne l’avait pas fait, Alarick serait sans aucun doute passé devant lui sans le voir…

- Tout va bien… ? se risqua-t-il T'as l’air épuisé… Ou bourré. il ne put retenir un fin sourire mais sans réelle moquerie Tiens… il prit sorti son outre d’eau de sa besace et la lui tendit Tu rentres te reposer à Arswalt ou t'es sur le départ ?

Tu es bien entreprenant jeune homme, c’est bien, continue sur ta lancée, il est en position de faiblesse…
Mais quelle mauvaise idée ! Ne l’écoute pas Alarick ! Tu te ferais botter les fesses !
Oh mais c’est une assez belle alternative ça ! Hummm, ça fait longtemps Al’, et ce Iain est à croquer…
Je ne parlais pas de ce bottage de fesses là, pervers… !

Alarick avait instinctivement tourné la tête au moment même où l’Ectoplasme avait commencé à parler, son visage s’était fermé et il pesta muettement contre ses deux entités. Ca n’était vraiment pas le moment et ça n’était pas dans ses intentions… Ca ne l’avait jamais vraiment été, il s’en était juste amusé parce que les situations s’y étaient prêtées… Même si en effet, Iain était tout à fait son type.

Portant alors son regard sur autre chose pour se reconcentrer, il vit Pignouf truffe à museau avec un cornu immaculé et trois fois plus gros que le chiot cornu. Alarick n’était pas sans savoir que ce type de créature était un familier courant chez les mages – Amorine lui en avait parlé et en avait même possédé un quelques années avant de décider de ne jamais plus avoir d’animal de compagnie, ayant été trop bouleversée par la mort de son cher Mitaine… Quel nom ridicule pour un mouton !

Il se mit à rire sous cape et n’entendit plus ses voix, retournant un visage de nouveau souriant – son absence avait durer cinq secondes tout au plus. Ce cornu devait être à Iain et entre familier d’élu, il était de bon lot de se saluer…

- 'scuze, tu disais ? fit-il ne sachant pas si Iain avait ou non répondu