La forêt du grand noyé… Epaisse, dense. Profonde et obscure… Il se souvenait de l’avoir traverser avec son groupe d’ami quelques années auparavant. En faite il n’y avait pas de très bons souvenirs, encore moins du lac Vivan tout près… Mais c’était pour cela qu’il avait décidé de passer au travers – au lieu de la contourner par l’est – pour exorciser le mal… En quelques sorte.

Serrant la bandoulière de son sac, il contemplait les hautes cimes. Pignouf à ses pieds trépignait d’impatience mais Alarick n’osait pas franchir l’orée… En réalité il avait tellement de souvenirs qui remontaient à la surface qu’il bloquait totalement. Les quelques semaines de marche passées en compagnie du mage – leur routes s’étaient séparées aux bord du lac Vivan quelques jours auparavant – avaient été vraiment bénéfiques au jeune archer.

Il avait l’impression de s’être fait un ami. Même s’il manquait cruellement de confiance et que la moindre petite choses le rendait paranoïaque… L’Ectoplasme s’en amusait particulièrement mais jusqu’à présent, Alarick avait réussit à faire front. D’ailleurs, c’était sous la poussée de son entité spectrale qu’il avait décidé de passer par la forêt du Grand Noyé – pour lui donner tort, pour lui prouver qu’il valait mieux que ça – et avait donc rebroussé chemin alors qu’il avait commencé à contourner le lac par l’est afin de rejoindre le repère des brigands où vivait ses parents au plus vite.

Il était donc là, à contempler les arbres, hésitant comme un gosse à faire le grand saut… Il savait quelle genre de créature vivaient dans ces bois et il savait aussi pertinemment qu’en étant seul, il ne pourrait pas les affronter sans y laisser des plumes… En fait, pour la première fois depuis bien longtemps, il avait peur de mourir.

Son épopée avec Iain avait été bien plus salvatrice qu’il ne l’avait imaginé tout compte fait… A présent il n’avait qu’une envie : revoir le mage et l’épauler dans les tourments qu’ils traversait. Il aurait bien aimé l’accompagner jusqu’à Hautmont mais ne s’en était pas senti la légitimité. Et puis Iain ne le lui avait pas demandé et si Alarick avait appris un truc ces dernières années c’était bien qu’il ne valait mieux pas qu’il impose sa présence… Sa folie – bien qu’assez bien maitrisée dernièrement – le rendait capable du pire. Et l’idée qu’il puisse faire foirer les projets du mage ne l’enchantait guère…

Il avait réellement envie qu’ils soient amis et ne voulait pas tout faire capoter.

Perdus dans ses réflexions, il n’avait pas entendu la personne qui approchait dans son dos.

- Et bien, que fais-tu ? Tu y vas ou non ?

Se retournant d’un bond, main sur son coutelas de chasse à sa ceinture, Alarick était prêt à attaquer la nouvelle venue perfide…

- Amorine ?! Mais, qu’est-ce que tu fais là ?! s’exclama-t-il, réellement surpris
- Je t’ai suivi, qu’est-ce que tu crois… répondit l’enchanteresse non sans un fin sourire A distance, quand j’ai vu que tu étais avec Iain, je crois que ce garçon ne m’apprécie pas trop… Et puis je ne voulais pas marcher sur tes plates-bandes… ajouta-t-elle avec un clin d’oeil
- Tsss, de quelle plates-bandes tu parles ? On est juste ami de toute façon, enfin, je crois… ? il afficha tour à tour une expression colérique puis dubitative ce qui fit rire Amorine
- Peu importe, te voir avec quelqu’un de ton âge, un élu qui plus est, que tu puisses avoir un lien social autre qu’avec moi, c’est tout ce que je demande…
- De quoi tu parles au juste ? il arqua un sourcil, inquisiteur
- Que tu puisse te lier d’amitié ! Voilà de quoi je parles. Que tu oublies tes affres, ou arrive à les contrôler, voir même que tu te livres, que tu sois un jeune homme comme un autre de temps en temps, j’pense que c’est le meilleur des remèdes… expliqua-t-elle dans un sourire

La fixant de ses grands yeux noirs, Alarick ne répondit pas, assez touché de ce qu’elle venait de dire. Puis, finalement, il retourna son regard vers la forêt et lâcha un profond soupire.

- Tu as peur…? demanda-t-elle doucement
- … J’sais pas trop, j’ai pas de très bon souvenirs de cette forêt la première fois que j’y suis allé…
- Nombre d’élus sont dans ton cas, rassure-toi… Mais sache que je sais que tu as largement le niveau pour la traverser ! Je t’ai vu combattre avec Iain, tu as fait d’énormes progrès ! Et puis, tu n’es pas seul. Je me manifeste au bon moment ! rit-elle
- C’est ça, comme d’hab tu ne vas rien faire si on s’fait attaquer…
- Oh mais je compte bien sur tes talents de trappeur pour nous éviter tout danger ! En fait j’pensais plutôt à de la chasse au sanglier… Tu es largement prêt pour ça… Et leur défense sont des ingrédients essentiels dans la fabrication de certains équipements, il est temps que tu passes au niveau supérieur !
- … Si tu l’dis…

Il lui jeta un coup d’œil – pas hyper sûr de lui – puis finalement, se mis en route.

Après tout, elle avait raison… Il était temps qu’il joue dans la catégorie supérieure et surtout, qu’il affronte ses propres démons… En parlant de ça, l’Ectoplasme était bien silencieux…

Plait-il…?
Oh non, fiche moi la paix, j’t’ai pas sonné !

Un rire caverneux raisonna dans sa tête mais une lueur de défi déterminé brillait dans le regard sombre. Pignouf sur les talons, Amorine marchant à sa hauteur, le trio franchit enfin l’orée du bois… Tout était étrangement silencieux.

La forêt était dense, ses arbres étaient bien différents de ceux d’Istralis… Plus tortueux, plus nombreux, moins espacés Alarick eut une forte impression d’oppression en avançant mais heureusement pour lui, elle disparue d’un coup lorsqu’il entendit enfin des chants d’oiseaux. Un bois était un bois, il était tout autant vivant qu’un autre et cela rassura Alarick… Il se demanda d’ailleurs comment il pouvait être aussi mal en ville – entouré par les bâtiments – mais tout à son aise en pleine forêt pourtant bien plus oppressante… Puis il se souvint qu’une forêt était naturelle et qu’une ville était artificielle, créée par des hommes pour des hommes. C’était plutôt ça qui le rendait mal en fait… Être entouré de tant de personnes, coincé entre les habitations toujours plus grandes, plus hautes, recelant de toujours plus de population… Il en frémit de mal-être.

Ils continuaient d’avancer toujours plus profondément entre les arbres et il fini par armer son arc. Les bruits qu’il entendait était bien différents de ceux d’Istralis et de lointains souvenirs refirent surface. Contenant sa peur – pour ne pas laisser d’ouverture à l’Ectoplasme qui s’en donnerait forcément à cœur joie – il se concentra sur ce qui l’entourait, cherchant à identifier tous les bruits.

Là, une branche qui craque, ici une nuée d’insectes vrombissants, un pic qui creuse son nid, un petit mammifère qui grignote des feuilles… A ses côtés Amorine restait silencieuse, et Pignouf suivait sans un bruit non plus.

Soudain, un craquement plus fort retenti, le faisant presque sursauter. Se retournant dans la direction du bruit, il tendit un bras pour stopper l’avancé de l’enchanteresse.

- Regarde, des sangliers… murmura-t-il
- Oh, il y en a toute une famille… ! fit-elle tout aussi bas mais la voix emprunte d’une certaine excitation C’est ta chance, lance ta flèche avant qu’ils ne nous repèrent… !
- T’es marante toi, c’pas des lapins, si j’en tue un ils vont nous foncer dessus… grogna l’archer
- Mais non, il nous suffira de grimper dans un arbre ! Je nous ferais léviter le cas échéant ! Aller Alarick, vas-y… !

Soupirant et peu rassuré, le jeune homme leva finalement son arc et banda sa flèche. Il se concentra quelques instants, voulant être sûr de faire mouche du premier coup et visa entre les deux yeux du sanglier le plus proche. Ces derniers – occupés à fouiller le sol de leur groin – ne les avait pas encore repéré.

Son trait siffla au même moment où une étincelle blonde lui parvenait au regard. C’était le reflet d’une chevelure.

- Attention, ne restez pas là ! cria-t-il instinctivement alors qu’il n’avait pas vu que sa flèche avait fait mouche