La forêt d'Istralis. Depuis le temps qu'Anay faisait les allers et retours jusqu'à Arswalt, on pouvait aisément dire que cette forêt était son second foyer. Qui l'aurait cru, d'ailleurs ! La petite précieuse fille ferme qui ne se prenait pas pour de la bouse de vache, et qui piquait une crise dès que sa couche n'était pas assez confortable pour elle, ou si les draps ne sentaient pas assez bons ! Bon, à la différence, c'est qu'elle ne passait pas ses nuits à la belle étoile pour le plaisir, en effet, c'était son métier de braconnière qui la forçait à passer de longs moments dans le bois à traquer et chasser du misérable lapin. Et même si, dans sa chambre à l'auberge, ses goûts luxueux et ses caprices demeuraient intacts, dans ses campements de fortune, elle se satisfaisait d'un gros duvet moelleux. Pas très pratique pour le trimbaler partout entre Arswalt et Istralis, mais son confort avant tout. Et en ce qui concernait les désagréments de la nature, finalement, elle s'en contentait également.

La soir était tombé dans la forêt, il y avait quelques heures, elle avait été relever ses collets et avait ramené deux beaux lapins qu'elle avait tué sur le coup, et elle venait tout juste de terminer de les dépecer. Les peaux emballées dans sa besace, elle s'appliqua ensuite à découper leur viande après les avoir éviscérés. Ce n'était pas l'étape la plus agréable, on pouvait même dire que cela la dégoûtait totalement, mais elle n'avait pas le choix, si elle ne voulait pas se nourrir exclusivement de pain rassis, et de viande séchée de mauvaise qualité. Elle fouina dans son paquetage et extirpa glorieusement son tout nouvel achat : une casserole en fonte ! Le rose aux joues, elle la déposa sur le feu, et comme une bonne petite cuisinière, commença à faire bouillir de l'eau. Au menu ? Un ragoût crémé de lapin !

Une fois que la mixture mijota - et elle n'était pas peu fière du fumet délicat qui s'en dégageait -, un craquement de branche se fit entendre dans son dos. Bondissant sur ses pieds, elle dégaina aussitôt son épée de bois. Depuis toutes ces nuits dans Istralis, Anay pouvait aisément reconnaître différents bruits, même dans l'obscurité la plus totale, comme maintenant. Et elle était convaincue que cela n'avait rien d'un animal. Le craquement qu'elle avait entendu était humain, elle en aurait facilement coupé sa main gauche et l'aurait mise à bouillir avec le lapin !

La mercenaire calma sa respiration, son coeur battait beaucoup trop bruyamment dans sa poitrine. Ses jambes paralysées par la concentration, elle déploya tous ses sens en avant pour localiser la personne qui était non loin d'elle.

« Qui va là ? » se risqua-t-elle, haut et fort, espérant que seule cette question permettrait à l'individu de sortir des fourrés et de se dévoiler. « Je sais que vous êtes là ! Montrez-vous !! » provoqua-t-elle, même, sans la moindre crainte de tomber sur plus fort qu'elle.

Elle était une Élue, et elle avait démontré à plusieurs reprises que même avec une épée de bois, elle pouvait venir à bout de tous les dangers, n'importe où. Sauf si ce danger s'appelait Mélaskholès, et que le n'importe où était l'arène d'Arswalt ...

La jeune fille avait réussi ses épreuves pensa-t-elle. Après avoir coupé son hêtre, elle passa quelques instants à se reposer, assise sur une souche d'arbre. Elle profita de cet instant pour songer à sa jeunesse et à son père qui  l'avait tant traumatisée.

Elle se releva non sans mal, mais n'avait pas la sensation d'avoir plus de pouvoir qu'avant contrairement à ce qu'avait dit Frédéric,  lui aurait-il menti ? Si elle avait accepté cette mission, c'était pour gagner de l'argent non aller couper du bois dans la forêt. Soudainement, elle avait senti une bonne odeur de cuisson. Qui pouvait bien manger dans une forêt s'interrogea-t-elle alors que le soleil commençait à se coucher ?

Elle se déplaçait lentement jusqu'à l'endroit d'où émanait ces bonnes odeurs, qui au passage, lui donnait l'eau à la bouche. Elle devait rester méfiante, la chose qu'elle a retenu dans une forêt, c'est qu'il fallait se méfier des inconnus. Arrivé près d'un buisson, Eleanor s'était assise et observa avec attention l'inconnue qui tentait de trouver l'origine des bruits.

Pensant avoir été discrète, elle avait été repérée par ses bruits de pas, la fille blonde lui avait demandé de se montrer, mais elle se montrait bien menaçante avec son épée en bois ! La jeune rousse n'avait pas peur d'une épée en bois, elle aurait pu facilement lui lancer la hache en pleine poitrine pour la désarmer mais pour une fois, elle décida de se montrer amicale.

Lentement, Eleanor sortait du boisson pour faire face à la jeune guerrière. Elle découvrit une belle jeune femme à la poitrine généreuse, elle ne pu s'empêcher de la regarder, mais s'était vite remise en position de défense pour faire comme si de rien n'était.

- Bonsoir Mademoiselle, n'ayez crainte, je suis là pour couper du bois, je ne vous veux aucun mal.

C'est avec ces paroles qu'elle espérait rassurer l'inconnue, elle ne s'était jamais battue, si ça devait être le cas, elle aurait préférer fuir.

La mercenaire attendit encore quelques instants, puis, de nouveaux bruits dans les fourrés lui indiquèrent qu'elle avait eu parfaitement raison, et qu'elle n'était pas seule dans cette forêt. Une ombre jaillit, se dessinant peu à peu, et très vite, Anay se rassura de voir que la silhouette se faisait de plus en plus féminine.

L'étrangère lui annonça être là pour couper du bois, et effectivement, elle tenait en main une hache. Raison pour laquelle la blonde ne baissa pas sa garde. Ce genre d'ustensile de bûcheron pouvait facilement être lancé - contrairement à son épée en bois, la hache, elle, disposait d'une belle lame en métal - et il n'était pas exclu que cette inconnue fasse partie d'un odieux complot. Dressant l'oreille, un moment, Anay s'assura qu'elles n'étaient que toutes les deux dans les environs. Elle aurait pu se rassurer mais, elle trouvait quand même très étrange qu'une femme seule coupait du bois à une heure aussi tardive. Elle n'avait pas du voir grand chose depuis que le soleil était couché ...

« N'est-il pas trop tard pour couper du bois ? » questionna-t-elle bien plus pour la forme que pour obtenir réellement une réponse. « Je vous serais grée de bien vouloir ranger cette hache, si réellement vous ne me voulez aucun mal. »

Puis, sans attendre qu'elle s'applique, questionna de nouveau :

« Qui êtes-vous, et que me voulez-vous ? »

La jeune fille semblait suspicieuse envers Eleanor. Mais elle tentait de se remontrer plus rassurante en prenant soin de ranger sa hache, a mieux y réfléchir, cela aurait pu être pris comme de la provocation.

Pour montrer qu’elle était pacifique, la rousse se rapprochait peu à peu de la Demoiselle jusqu’à être suffisamment proche pour apercevoir ses jolies formes.

Comme je vous l'ai dit n’ayez crainte. Ce sont les odeurs de cuisson qui m’ont attiré vers vous. Je n’ai pu m’empêcher de m’approcher tellement je suis affamé.

Eleanor pris une pause avant d'enchaîner et replaça délicatement l’une de ses mèches derrière son oreille.

Je m’appelle Eleanor, je veux simplement manger, cela fait plusieurs jours que je n’ai plus rien dans l’estomac. Accepteriez-vous que je me joigne à vous ? Et vous ? Comment vous appelez-vous ? Que fait une si jolie femme toute seule dans les bois à une heure si tardive ?

En attendant la réponse de son interlocutrice, Eleanor observait le bouillon avec attention, presque au point de saliver. Si ça ne tenait qu’à elle, elle serait prête à bondir sur ce délicieux festin.

Aussi la jeune femme ne pouvait s’empêcher de contempler la généreuse poitrine de la blonde, elle aurait tellement aimé pouvoir les toucher, jusqu’au point d'aller s'amuser avec.